Mon cerveau, un ordinateur ?

Mon cerveau un ordinateur ? C'est bizarre, plus j'essaie de comprendre comment mon esprit fonctionne, moins je suis sûr de le connaître. Moi qui pensais que nos cerveaux étaient des supers ordinateurs biologiques. Des supers ordinateurs qui trouvent des solutions rationnelles à nos problèmes dans les meilleurs délais… J'ai commencé à douter quand j'ai réalisé que, si en réfléchissant je finis par savoir ce que je devrais logiquement faire. Bien souvent j'ai déjà décidé ou même agi différemment. Parfois même dans le sens opposé de ce que la logique m'indiquait.

Un exemple banal parmi plein d'autres. Après avoir discuté avec mon toubib des chiffres dans mes résultats d'analyses, j'ai fini par conclure rationnellement que je dois modérer mon appétit. Pourtant mon esprit me dit souvent que ce n'est pas si grave. Que dans le miroir je n'ai pas l'air si gros. Que tout va s'arranger naturellement… Quand il me dit ça, il n'est pas logique.

Et puis, en observant autour de moi, quand je pense à ce pote qui se convainc régulièrement qu'il doit arrêter de fumer. Ou à cette amie qui ne veut plus manger de sucreries. Je vois que je ne suis pas seul à me débattre…

Alors j'ai cherché ce qui se dit sur le fonctionnement de notre esprit. J'ai trouvé beaucoup de choses, trop de choses. Les philosophes, les psychologues, les neuroscientifiques et bien d'autres, ont des idées et des théories sur la question.

Mon cerveau un ordinateur ?

Un titre de bouquin m'a frappé, même consterné : « Et si le cerveau était bête ? » En fait c'est une mauvaise traduction du titre original ‘The Mind is Flat‘ : The Illusion of Mental Depth and The Improvised Mind' de Nick Chater. C'est un professeur de sciences du comportement à Warwick en Angleterre. Dans son livre il décrit de nombreuses expériences faites par son équipe et d'autres spécialistes, sur nos comportements, en visant ceux qui ne paraissent « pas logiques » ou ceux qui paraissent bizarres. Les psychologues parlent de biais*. Les plus simples et les plus amusants sont les illusions visuelles.

Dans certaines configurations d'images ou de motifs notre cerveau invente des éléments qui ne sont carrément pas dans l'image ou en zappe d'autres. J'aime bien par exemple l'effet mis en évidence par Jacques Nino, où des points disparaissent d'une grille. Mon cerveau un ordinateur ? Les illusions d'optique de notre cerveau échappent à notre contrôle. On ne peut les empêcher par le raisonnement, juste les comprendre ensuite.

En définitive pour Nick Chater notre cerveau est en permanence en train d'improviser avec tous les éléments à sa disposition, créant notre ‘vision du monde' à la volée. Bien sûr, il puise dans la mémoire, mais ce qu'il nous donne à voir et comprendre est créé à chaque moment. Pour pouvoir aller vite et gérer la masse d'informations qui lui arrive, il utilise énormément de mécanismes automatiques dont nous n'avons pas conscience. Précisément, ils sont maintenus inconscients car il nous serait impossible d'avoir en même temps présentes à notre esprit toutes les informations que le cerveau gère. Et comme il doit travailler vite dans certaines situations différentes, des millions d’informations qu'il a déjà traitées. Il peut faire des erreurs, c'est là la principale origine des biais.

Les expériences du fonctionnement de la vision démontrent que nos yeux voient assez mal. Cependant ils scannent en permanence ce qu'il y a devant nous. Comme par taches regardées rapidement les unes après les autres.

Cela ne colle pas avec mon idée que nous percevons la réalité grâce à nos yeux qui seraient comme des caméras haute définition. Et cette idée s'avère encore plus naïve que j'imaginais.

Et oui, c'est avec Lionel Naccache, un de nos grands neuroscientifiques parisiens, que j'ai découvert à quel point je me mettais le doigt dans l'œil ! Il nous explique dans son bouquin « le cinéma intérieur » qu'en fait ce dont nous avons conscience comme étant notre réalité, est une création de notre cerveau qui nous fait un film, dont nous sommes le héros ! Et ce n'est pas juste une idée qui lui serait personnelle, c'est basé sur de nombreuses expériences scientifiques sophistiquées. Des expériences qui sont les résultats les plus récents des spécialistes du domaine.

Notre cerveau utilise toutes les informations qu'il perçoit. Non seulement de la vision qui est notre capteur dominant. Mais également de tous les autres, l'ouïe, le toucher, l'odorat, le goût, et la fameuse proprioception qui nous renseigne sur la position des différentes parties du corps. En combinant ces perceptions avec ce qu'il a déjà en mémoire, il crée notre histoire. Instant après instant, donnant un sens à tout ça. Un sens qui nous est propre à chacun !

Donc il n'y a pas une réalité décrite froidement, factuellement. Décrite par un cerveau ordinateur équipé de caméras, qui serait perçue de façon identique par chacun. En fait, il y autant de réalités que d'individus. Chacun façonnant la sienne en direct, en tant qu'acteur principal et metteur en scène de sa propre ‘réalité' ! Heureusement, il y a des points communs entre nos réalités individuelles. Surtout quand on vit dans un même environnement, une même culture… Mais cette nouvelle conception du fonctionnement de notre cerveau, de notre esprit, peut énormément nous aider à comprendre pourquoi le dialogue est parfois si difficile. Il y a tellement de malentendus et d'incompréhensions simplement parce que nous sommes tous persuadés de percevoir une seule et même réalité.

Mon cerveau un ordinateur ? Cette découverte scientifique confirme et valide des idées qui étaient déjà dans l'air. Mais là, vraiment, on a des PREUVES établies qui nous invitent à beaucoup plus d'humilité. Tant sur nos certitudes quant au monde, que sur la qualité de notre communication avec les autres…

Voilà les deux bouquins qui m'ont marqué, sous l'impulsion des travaux des neurosciences. Il y a de plus en plus de littérature sur ces sujets, qui au final touchent le point clé : Qu’est-ce-que la conscience ?

De ce fait, on arrive assez vite aux états de conscience… Franchement, je n'ai pas le sentiment d'avoir les idées totalement claires là-dessus. Mais pour moi, ce qui émerge clairement c'est qu'il y a plusieurs grands types d'états que j'esquisserais ainsi :

• Conscience ordinaire : état éveillé habituel, avec ses fluctuations. Notre cinéma intérieur utilise toutes les perceptions et infos pour générer notre ‘réalité'.
• Rêves : notre générateur utilise les souvenirs. Les plus récents souvent en premier, pour lancer des scénarios où ils sont mis en scène. Très généralement de façon métaphorique, où les situations vécues (dans la journée, le plus souvent), mais non « résolues », vont trouver un déroulement. Ce qui inclut les apprentissages (les perceptions du corps sont ignorées, mais le générateur peut facilement en créer en lien avec le scénario).
• Transe : des stimulations spécifiques vont alimenter notre cinéma intérieur. Et dans le cas de l'hypnose, on accepte des suggestions de scénarios. Comme quand on se plonge dans une histoire qu'on nous raconte (roman, film, etc). On accueille d'autant plus les suggestions qu'on pense qu'elles vont être agréables, amusantes, bénéfiques ou éclairantes…  (Les perceptions du corps sont ignorées, mais on peut en vivre plein en imagination !)
• Sommeil profond : on n'a plus conscience de rien, même pas de rêver, ni souvenirs, ni perceptions.

Tout cela pour dire qu'en creusant un peu dans le fonctionnement de notre esprit, grâce au foisonnement des découvertes actuelles, je me suis retrouvé dans une marmite bouillonnante et passionnante !

*_ il s'avère qu'ils sont extrêmement nombreux : (cf. Codex des biais cognitifs dans le fichier pdf à télécharger ci-dessous)